Cours : narrateur et focalisation

Quelques éléments d'introduction : avant de revenir sur les spécificités de la narration dans Un roi sans divertissement, je vous propose quelques révisions sur deux notions-clés concernant le récit, celles de narrateur et de point de vue. Lisez le cours ci-dessous attentivement, puis effectuez les exercices correspondant.

Le narrateur est un être inventé par l'auteur dont le rôle est de raconter l'histoire. Excepté dans le cas d'un récit autobiographique, le narrateur est distinct de l'auteur qui est un être réel. 

1. Les statuts du narrateur : qui raconte ?

Dans le cas particulier de l'autobiographie, narrateur et personnage s'identifient avec l'auteur. 

2. Les différentes focalisations : qui voit ?

La focalisation est le point de vue à travers lequel les événements du récit sont observés et racontés. 

Exercices

Reconnaître le statut du narrateur

I. Lisez attentivement les deux textes ci-dessous, puis répondez aux deux questions qui correspondent.

  1. Moi d'abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à pas y tenir. Le vent s'était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s'en trouvait comme habillés. (Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard, 1932.)
  2. À quatre heures précises, elle passait au bord des maisons, montait la côte, ouvrait la barrière, et arrivait devant la tombe de Virginie. C'était une petite colonne de marbre rose, avec une dalle dans le bas, et des chaînes autour enfermant un jardinet. Les plates-bandes disparaissaient sous une couverture de fleurs. Elle arrosait leurs feuilles, renouvelait le sable, se mettait à genoux pour mieux labourer la terre. Mme Aubain, quand elle put y venir, en éprouva un soulagement, une espèce de consolation. (Gustave Flaubert, « Un Cœur simple », Trois contes, 1877.
  • Quel est le statut du narrateur dans chacun des extraits ?
  • De quel narrateur vous sentez-vous le plus proche ?


II. Lisez ensuite le texte suivant : 

Le collège ? - J'ai pu aller jusqu'à la porte ; encore mon cœur battait-il à se casser ! Quand j'ai pris la petite rue qui y mène, je titubais comme un homme ivre.

Mais arrivé devant la grille, j'ai dû m'appuyer contre une borne pour ne pas tomber.

C'est là-dedans que mon père était maître d'études à vingt-deux ans, marié, déjà père de Jacques Vingtras.

C'est là qu'il fut humilié pendant des années ; c'est là que je l'ai vu essuyer en cachette des larmes de honte, quand le proviseur lui parlait comme à un chien ; c'est là que j'ai senti peser sur mes petites épaules le fardeau de sa grande douleur.

Non, je n'ai pas osé passer sous cette porte, pour revoir le coin de cour où un grand sauta sur lui et le souffleta.

Jules Vallès, Le Bachelier, 1881.

  • Quel est le statut du narrateur dans cet extrait ? 
  • Observez les temps verbaux. Selon vous, l'auteur et le narrateur sont-ils distincts ? Justifiez votre réponse.
  • Quelles émotions transparaissent dans ce passage ? 

III. Réécrivez le texte ci-dessous en adoptant le statut d'un narrateur-personnage.

Et Renée, levant les yeux, regarda le vaste ciel qui se creusait, d'un bleu tendre, peu à peu fondu dans l'effacement du crépuscule. Elle songeait à la ville complice, au flamboiement des nuits du boulevard, aux après-midis ardents du Bois, aux journées blafardes et crues des grands hôtels neufs.

Émile Zola, La Curée, 1871. 

Identifier les différentes focalisations

1. Quelle focalisation le narrateur adopte-t-il dans chacun des extraits ? Justifiez votre réponse par des éléments du texte.
2. Quel sentiment éprouvez-vous à la lecture de chaque passage ?

  • À son retour, le marquis s'enferma dans son cabinet, et écrivit deux lettres, l'une à sa femme, l'autre à sa belle-mère. Celle-ci partit dans la même journée, et se rendit au couvent des Carmélites de la ville prochaine, où elle est morte il y a quelques jours. Sa fille s'habilla, et se traîna dans l'appartement de son mari où il lui avait apparemment enjoint de venir. Dès la porte, elle se jeta à genoux. « Levez-vous », lui dit le marquis...

Denis Diderot, Jacques le Fataliste, 1796.

  • Une heure après, par la nuit noire, deux hommes et un enfant se présentaient au numéro 62 de la petite rue Picpus. Le plus vieux de ces hommes levait le marteau et frappait.

Victor Hugo, Les Misérables, 1862.

  • 12 mai. - J'ai un peu de fièvre depuis quelques jours ; je me sens souffrant, ou plutôt je me sens triste.D'où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l'air, l'air invisible est plein d'inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m'éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge. - Pourquoi ? - Je descends le long de l'eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m'attendait chez moi. - Pourquoi ?

Guy de Maupassant, Le Horla, 1887.

  • « Pourquoi m'épouser alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J'ai répondu : « Non ». Elle s'est tue un moment et elle m'a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J'ai dit : « Naturellement. » Elle s'est demandé alors si elle m'aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point.

Albert Camus, L'Étranger, Gallimard, 1942.

3. Racontez la scène suivante selon les trois focalisations possibles.

Une femme se promène dans la rue. Elle croise quelqu'un et lui sourit.



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